GRAND FORMAT ANTI-MODELE DE LA GOUVERNANCE DES CITES, TERREAU DE L’ANARCHIE...
Une agglomération de tous les travers. Un nom qui pourrait bien être collée à la grande cité anarchique sans nom qui prend forme du côté de la Petite côte à Mbour. Au fil des années, cette ville de normaliens, de conférences et de découvertes, a cédé la place à une véritable fournaise urbaine, valsant selon les saisons, avec les mauvais côtés du tourisme, la petite délinquance, l’anarchie et le reste de tous les maux qui sont la conséquence de la mauvaise organisation d’un projet d’un développement pour une ville. Dans ce qu’on peut désormais qualifier de territoire sans identité composé de villages superposés, la ville qui devait bénéficier de l’émergence du village de Saly, semble bloquer par l’émancipation trop rapide et voulue de ce dernier. Et comme une descente aux enfers, la ruée vers « l’or », vers cet eldorado semble avoir entraîné la chute progressive de la ville de Mbour vers un chaos inéluctable, victime surtout de sa mauvaise organisation, des tares du tourisme, l’encombrement, de l’anarchie et d’un manque d’horizons clairs.
De recomposition à recomposition, l’anarchie, c’est la norme dans cette cité du bord de mer, dont on ne connaît aujourd’hui ni le nombre d’habitants encore moins celui des quartiers. Chaque jour, en naît un nouveau avec ses tares, sa manière d’être et de vivre pour renforcer le malaise urbain contre lequel aucun maire, fut-il le meilleur, ne semble préparé. Dans cette folie des mélanges en tout genre comment organiser une vie urbaine et citoyenne décente et respirable comme l’ont fait les précurseurs dans les grandes cités du monde comme New York, Montréal, Melbourne et encore plus loin Vancouver et Shanghai.
Mbour, une cité à part de par le monde, on est tenté de le croire tant la vie facile au départ y est devenue pénible. Elle y est devenue insupportable ; elle le serait encore plus pour ceux qui l’ont connue avant, s’y sont installés avant de quitter ce bas monde pour l’au-delà. Pour dire simplement avec l’actualité récente autour de l’organisation des festivités liées à la circoncision des jeunes enfants de la communauté mandingue et ses démembrements, que les problèmes du genre ne pouvaient pas ne pas arriver face à tant de laisser-aller dans la gestion communale et municipale.
Si toute la ville ou presque a fini par adopter son Kankourang, la symbiose ne s’est pas faite tout de suite. La ville en a fait son affaire au fil des ans et ce ne fut pas sans des heurts entre gens d’un monde différent.
Les espaces du Kankourang se sont rétrécis et ne cessent de se réduire dans une cité qui prend chaque jour, un pas de plus vers la grande anarchie. Comment faire face à un tel désordre quand vous n’avez pas de plan urbain ? Au cours des années 1960, Mbour était resté une ville assez organisée avec une armature urbaine qui permettait l’organisation de toutes les manifestations (cirques, kermesse, critérium pour les courses cyclistes, manifestations culturelles etc.) ; aujourd’hui où pourrait se tenir ces petites choses dans la vieille cité ? La ville a laissé place à un gros bordel qui a nom, le marché partout. Tout autour des sacs d’oignons, de farine, d’aliments de bétail comme dans une foire en campagne.
Là, se trouve le mal le plus facile à toucher dans la ville. S’y ajoutent d’autres encore plus graves comme l’anarchie de tout ce qui s’est superposé à la ville comme quartiers nouveaux et zones d’habitation. Le nouveau centre n’est plus dans le vrai centre, mais dans une forme de réduits urbains au cœur desquels se superposent d’anciens villages des environs comme Baye deuk, Lycée technique, Gouye Mouride etc. Même la rivière Mballling et son espace de rêve d’hier n’est pas épargné envahi qu’elle est de partout jusqu’à Warang. On y voit du tout dans les différentes formes d’anarchie qu’on pourrait montrer comme exemple de l’anti-thèse de ce qu’il ne faudrait pas faire en termes d’urbanisation.
TOURISME, EXODE RURAL AU CŒUR DU MAL-ETRE : Que vaut Mbour sans son Kankourang ?
Quand vous n’avez pas aussi pris les dispositions pour préserver et mettre en valeur ce que la ville a de plus beau dans ses aspects culturels, économiques et sociaux. Face à une mairie sans moyens et sans intelligence, le préfet, pour éviter toutes les formes d’anarchies qui peuvent subvenir, n’a pas eu tort de demander des explications. Il est le représentant de l’Etat. Si tous défendent aujourd’hui, le maintien des djoudjou et du Kankourang, il est clair qu’il faut tenir compte de son organisation dans la planification globale de la gestion de la cité. Cela n’a jamais été le cas.
En 2016, il est normal que la ville et ses autorités soient totalement dépassées par les malheureux évènements qui ont opposé des initiés entre eux. Or, pour assurer la sécurité des circoncis, de la maison dans laquelle ils vivent, mais encore celle des selbés et du kankourang lui-même, il faut aller vers des réformes plus intelligentes que ce que l’on a vu jusque-là. Un débat de fond pour un problème qui va s’aggraver au fil des ans, au gré des intérêts des uns et des autres, mais surtout de l’argent facile que certains tirent de la municipalité, de l’Etat, de privés et qui ne va pas souvent dans les poches de gens à qui tout cela devait être destiné.
Les équations sont nombreuses. Et jusqu’ici, aucune forme de réglementation n’a été tentée. Le dimanche, c’est la cohue. Tout le monde est là. La semaine, ce sont quelques personnes et bonnes volontés qui gèrent les lieux. C’est l’une des faiblesses graves de ce système que le temps et les formes d’inorganisation internes contribuent à aggraver. Or, pour animer dans le bon sens cette ville et la replacer sur l’échiquier national, continental et mondial, quoi de mieux que les facettes des cultures qu’on pourrait agiter et mettre en valeur ici ou là pour le faire.
La dernière histoire autour du djoudjou est un révélateur ; mais le mal est qu’il n’a pas été bien géré ni par l’une des parties (l’autorité préfectorale), ni par l’autre, (les autorités autour des djoudjou). La conséquence a été le risque de généraliser l’anarchie dans la ville Accusé d’avoir été pour un camp (par les jeunes) contre un autre, le préfet n’a pas trouvé la solution. Ses nombreuses déclarations dans une presse qui ne comprend rien au problème, ne lui ont, semble-t-il, servi à rien ; sinon à ajouter à la confusion.
A vrai dire, le système est beaucoup plus complexe dans le fond et pour un « novice » qui arrive à Mbour (ville devenue hyper anarchique), la principale difficulté va être de faire un diagnostic révélateur de tous les types de problèmes que vous avez en face. Ils ont nom : la prédation foncière et immobilière, la gestion des marchés, l’organisation globale d’une ville sans ordre, la gestion inadaptée de la mobilité urbaine dans un finage sans système de transport adapté à l’évolution. Et, quand vous y ajoutez un maire sans génie, ni projet et des millions de gens qui débarquent tous le week-end de partout dans le Sénégal et dans le monde, pour un dimanche de Kankourang, évidemment que même quand vous sortez de l’Enam, fort dans votre tenue et votre tête, vous n’avez pas tout de suite, la solution. Difficile d’ailleurs de l’avoir dans le contexte décrit plus d’anarchie prédominante dans cette cité, à la décharge de l’autorité.
LIGNES DE FORCES : La ville attend un débat de fond sur son avenir
Le débat de fond, au-delà de ces constats est donc là posé. Bien ou mal, l’important est de le comprendre comme çà en essayant de trouver des solutions adaptées mais désormais durables. Or, pendant que l’arrière-pays de cette grande agglomération, à Thiadiaye, Sandiara, Nianing, Mbodiène prennent leur envol dans une certaine forme d’organisation plus ou moins souple, la ville de Mbour ne décolle pas. La faute à l’absence de vision et un débat formel ou non autour.
56 ans après les indépendances, s’il y a une ville au Sénégal qui a connu un boom démographique, sans précédent, c’est bien celle de Mbour. Depuis le maire Ibou Kébé et l’affaire de l’assassinat du député Demba Diop à la fin des années 1960 et malgré le fait que c’est dans cette ville qu’on a connu la première députée de l’Assemblée nationale et ministre dans un gouvernement, Mbour ne vit qu’avec ses fantômes.
Sans génie, les maires passent. Les élus aussi. Cela, depuis l’Union progressiste sénégalaise jusqu’au Parti socialiste. L’arrivée du Parti démocratique sénégalais et son maire à la tête de la commune n’y ont rien changé. La gangrène de l’anarchie, de la perte des terres au profit de la commune rurale de Malicounda a ôté la ville de ses atouts. Pire, le périmètre communal s’est rétréci jusqu’à ne plus exister. Devant l’impuissance, Mbour n’a plus rien à offrir et le tourisme comme tous les pans du commerce et de l’économie locale en ont pâti. Et dans le même cas, les derniers efforts de lotissements niveau de la zone Sonatel, avec l’un des schémas d’urbanisme les plus pauvres et les plus mal organisés au monde en sont un exemple patent. Pour l’exemple, c’est à ne montrer dans aucune école d’urbanisme avec des parcelles de 150 à 300 mètres carrés, en losange, en triangle isocèle et mauvais trapèze ; allez y voir quelque chose.
Sous le magistère du Président Macky Sall, le nouveau maire fort de son second mandat s’appelle Fallou Sylla. Lui est aujourd’hui, sans partenaire public et privé déclaré ; il semble dépassé appelant au secours à la moindre inondation et forte pluie. Ce n’est pas de sa faute. La ville l’a choisi et son mandat est légitime. Mais, que peut-il faire d’autres quand le conseil municipal qu’il dirige est composé de gens qui, pour certains n’arrêtent pas de le combattre et de l’autre ne sont pas réellement une force de propositions. Mbour, une ville damnée !
C’est pourtant dans ce contexte qu’il faut bien trouver un horizon dans lequel, l’organisation des activités culturelles et économiques de la ville devrait être revue. Mais, tout cela ne saurait se faire sans une plateforme d’échanges et de partages pour le développement de la Petite côte qui permettrait de prendre en charge l’ensemble des équations évoquées plus haut ; cela avec toutes les composantes du département et de la ville.
Agir en équipe pour trouver une esquisse d’organisation urbaine et sous-régionale plus adaptées, demande du temps, de l’intelligence et des moyens. Dans ce débat, le Président Macky Sall en tête devrait s’impliquer avec son gouvernement, pour faire de la première grande ville touristique du pays, une ville phare pour l’Afrique et le monde. Elle ne l’est pas encore avec un centre ville pauvre, sale, mal construit parce que sans plan d’urbanisme.
Des citoyens et des acteurs de la vie publique et privée, mais aussi de la société s’essaient dans ce débat. Parmi eux, notre confrère Mouhamadou Barro qui a initié sur la territorialité et l’économie locale, une journée de réflexion largement relayée sur les réseaux sociaux a fini de donner le ton. D’autres suivront sans doute pour aider la ville à se doter de cadres de réflexion appropriées qui pourraient influencer positivement l’équipe municipale, le conseil départemental et d’autres segments de la vie municipale s’ils apprennent à les écouter.
La ville à travers les générations, voilà un autre thème qui devrait permettre de mobiliser à ce niveau pour tracer pour les hommes et femmes d’aujourd’hui et pour celles qui viennent les voies et moyens du mieux vivre et du vivre ensemble. Mbour, ville cosmopolite qui renferme à elle toute seule, en son sein, tout le Sénégal, mérite cette belle attention. La balle est dans le camp de tout le monde.
Mame Aly KONTE/Ssquotidien
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MBOUR, LA FOURNAISE URBAINE
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