Somone : La vie tient sur le fil du tourisme
Bercé par la mer et baigné une lagune peuplée d’huitres, de cabres et de langoustes, la commune de Somone doit beaucoup au tourisme et à la générosité de la nature. Les premières vagues des touristes ont fondé le quartier Torino. Au fil des années, d’autres européens n’ont pas pu se passer de la beauté idyllique de cette localité aux rues ayant une allure de galerie d’art. On peut aussi se balader au bord des canoës sur la lame d’eau ou s’évader dans le sentier écologique de la réserve d’intérêt communautaire.
Le village de Somone ne tangue plus entre le conservatisme et l’ouverture ; du moins au plan architectural. A part les rues sableuses et sinueuses serpentant entre les concessions et les maisons juchées sur des dunes côtières, des villas aux lignes importées poussent dans tous les coins. Les quartiers traditionnels tels que Ndioufène ou Mboyène sont dans l’œil du vent du changement. Le village est pourtant revenu de loin. Il a été ravagé par la peste dans les années 20. « Somone a été décimé par la peste en 1920, il a été rasé avant d’être reconstruit », nous confie Arona Lô, âgé de 86 ans.
A Somone, les terres appartenaient à des « Lamanes ». C’est après les réformes que beaucoup d’habitants ont perdu leurs terres à cause de l’expropriation. Actuellement, la course vers l’accumulation de richesse a entraîné, selon ce sage, la vente effrénée de champs et des potagers. « Je ne vais pas seulement parler de Somone. La spéculation foncière touche également Saly et Ngaparou. Il sera très rare de voir des autochtones qui ont plus de 500 mètres carrés », avance Pa Arona Lô, considéré comme l’un des plus âgés du village de Somone qui fut fondé par Mame Baye Yam, venu du Dioloff. A l’origine, la pêche et l’agriculture étaient les activités principales. Mais la première incursion d’un touriste entre 1940 et 1951 va précipiter l’émergence d’une nouvelle vocation. Somone devient la nouvelle destination entre 1958 et 1959. « Le premier blanc qui était venu s’est installé au bord du fleuve, après il y a eu 7 et 8 autres. Au fil des années, le nombre n’a cessé d’augmenter », se souvient Pa Arona Lô. Après c’est par vagues que les touristes blancs déposent leurs valises au bord de la lagune et de la mer. Certains y construiront de belles villas. « Ce sont des sénégalos, ces derniers viennent chaque année. D’autres se sont installés et ils ont épousé des Sénégalaises ou, pour être plus juste, ils ont des copines sénégalaises », fait savoir un artiste peintre. Leur présence et leur contribution à l’économie nationale relativisent la notion d’étranger aux yeux d’une responsable de l’agence immobilière Ambre. « Pour moi, je ne peux pas considérer ces toubabs qui vivent au Sénégal depuis une trentaine d’années comme des étrangers. Non ! », objecte Penda Guèye. C’est à juste raison. C’est le tourisme qui a changé le visage de Somone et l’a sorti de l’anonymat.
Torino, un quartier huppé au bord de la mer
A Torino, à l’angle de la rue de Café des Arts, trois petites voitures sont immobilisées devant une villa. Des taximen sont à l’ombre des arbres. Ils conversent. Leurs conservations s’interrompent dès que des touristes sortent des hôtels. « Vous avez besoin d’un taxi », lancent-ils sans insistance. Certains déclinent. Ils préfèrent la marche pour les petites courses. Les minutes passent.
Peu de clients viennent demander les services des taximen. Après cette séquence, un couple d’un certain âge se pointe. « Nous voulons aller à Ngasobil », s’exprime l’homme. Deux conducteurs bondissent de leur banc et se proposent de les transporter. Mais l’un des taximen se désiste. Son camarade se charge de leurs incursions pour 30.000 francs Cfa. « La journée est bonne pour lui », confie un des taximen. Depuis quelques années, ce n’est pas tous les jours qu’un taximen rentre avec 30.000 francs depuis la crise d’Ebola. Le secteur du tourisme traîne cette crise comme une séquelle après une intervention chirurgicale. Durant les années 2005, 2006 et 2007 qui sont pour ce conducteur l’âge d’or du tourisme dans la zone, le secteur faisait vivre Somone et d’autres villages. « Lors des excursions dans des villages, les touristes se rendent compte de l’état des besoins des villageois. Une fois en Europe, ils collectent des dons de médicaments et de matériels médicaux et parfois construisent des salles de classe », raconte ce conducteur. Un peu avant, se trouve un autre petit garage non loin d’autres complexes hôteliers. Babacara Dop, originaire de Kaolack, est arrivé à Somone en 1995. Il était attiré par le tourisme florissant. C’est un homme au cœur lourd qui s’est prêté à un jeu de comparaison. « Je vous dis que les périodes où le tourisme faisait vivre ceux qui ne sont pas du secteur est derrière nous. Les touristes ne sortent plus actuellement, parce qu’on a entretenu ce climat d’insécurité. Dans les hôtels, on leur dit de ne pas sortir. La conséquence, les touristes ne dépensent presque pas en dehors des hôtels ou des résidences. Seuls les anciens continuent à faire des excursions », démontre Babacar Diop. Moustapha Diouf, interrogé au restaurant Brise de la Mer, garde en mémoire les années de tourisme de masse en 2004, 2005 et 2006. « A mon avis, le nombre de touristes qui arrivent a beaucoup diminué au cours de ces dernières années. Somone vivait bien de cette activité », a laissé entendre Moustapha Diouf.
Oumar Ba et Idrissa SANE( Textes) et Assane SOW (Photos)
http://www.lesoleil.sn/grand-air/item/76052-somone-la-vie-tient-sur-le-fil-du-tourisme.html