"Saly, c'est la chanson des vieux amants"
Jacques est sociologue à ses heures, installé sur le Petite Côte sénégalaise depuis près d'un quart de siècle.
Ce n'était pas un interview mais une rencontre un peu fortuite, un face à face dont nous avons retenu l'analyse, la quintessence.
Huit mois par an au pays des baobabs, il observe ses compatriotes "toubabs". Tant dans leur comportement sur place, dans leurs conversations que dans ce qu'il lit sur la plupart des sites, des forums et autres réseaux sociaux. Il nous a autorisé (et validé) à diffuser cet article.
"Je t'aime, moi non plus"
"Quand j'entends, quand je lis l'amertume des touristes devenus résidents, propriétaires, investisseurs de cœur et/ou de business, je ne peux m'empêcher de faire un parallèle flagrant avec une relation amoureuse.
Ceux qui ont franchi le cap de venir et d'aimer - j'exclus ceux qui ont fuit une destination mal appréhendée - sont, comme on dit au Québec, tombés en amour.
Bien évidemment, tout le monde sait qu'il faut se méfier des coups de foudre, sinon que, souvent, j'ai constaté cet aveuglement merveilleux. Pour une façon de vivre, un endroit, un enfant, une famille, une qualité de climat, une cause, une sexualité facile et mille autres déraisons.
Autre critère, sain et magnifique au départ, est cet émerveillement de constat qu'il est possible, encore, de vivre autrement que sous nos latitudes occidentales fanées à beaucoup d'égards.
Souvenez-vous d'un premier amour! Souvent foudroyant! Une passion. Puis, s'il n'a pas volé en éclat le lendemain, viennent, petit à petit les sentiments vrais, réfléchis, posés, raisonnables.
Je raccourci les étapes mais, arrivent ensuite l'habitude, la tendresse certes mais une certaine lassitude parce-qu'aussi les défauts apparaissent. Ceux qu'on acceptait par amour deviennent difficiles à vivre jour après jour. Le typiquement typique commence à énerver. Le "c'est comme ça au Sénégal"également.
Une déception, un accrochage, une difficulté sociale, administrative. Les différences commencent à se faire jour. Les mœurs, l'éducation, la culture, les traditions, le rythme.
Puis, un jour, même si l'on a crié gare, c'est le clash, le ras le bol.
Le divorce, la séparation douloureuse.
On s'en va, on quitte. Pour ceux qui savent le faire. Financièrement s'entend. Souvent un bien immobilier, un investissement reste comme un boulet, une ancre indécrochable au vu de la dégradation touristique, entre-autres.
Alors, les amants se déchirent. Il n'est rien de plus cruel qu'un amour déçu.
La chanson d'Aznavour, "tu t'laisses aller" trotte également souvent dans la tête.
Il reste des souvenirs, de la tendresse, une envie que ça reparte. Des reproches qui ne sont finalement qu'un besoin que l'autre redevienne ce qu'il a été; au temps du bonheur.
L'amertume, le rejet se porte autant sur un plagiste que sur un président de la république. Tout y passe! Même la mauvaise foi.
La même, sans doute que celle des sénégalais qui se replient dans le déni et la dénonciation d'un racisme, d'une époque coloniale que souvent ils n'ont pas connue, quand une relation délicate se produit.
Blancs et locaux oublient toujours qu'il demeurera encore longtemps une différence d'appréhension de tout!
C'est une richesse mais aussi un mur, parfois.
La vraie sagesse africaine n'est souvent qu'un leurre. Tout comme la croyance qu'ont les blancs de tout savoir, tout connaître. Tout mieux faire.
Souvent, ces toubabs oublient qu'ils ont, au départ, aimé ce pays parce qu'il ne ressemblait pas au leur! Avec l'usure du temps, la découverte des tares, ils commencent à vociférer les rengaines surannées: "Chez nous les routes sont belles, chez nous c'est propre, chez nous ça ne se passerait pas comme ça,..."
Si l'interlocuteur local répond: "Alors, retourne dans ton pays"... quoi de plus logique en somme!?!
La phrase "qui aime bien châtie bien" m'a toujours énervée. Elle est pourtant souvent l'ultime ponctuation pour expliquer l'attitude de reproches permanents des anciens amoureux déçus.
Je terminerai par ceux qui sont heureux, sereins dans leur villégiature, leur retraite, leur pays adopté et d'adoption. Plage, brousse, bistrot, business ou tout autre activité, voire passivité. rares sont ceux qui revendiquent le titre de "sénégaulois. Ils sont simplement intégrés, dans l'acceptation de la vie qu'ils ont choisi.
On n'a pas à juger un couple qui tient. Malgré tout.
La chanson des vieux amants de Jacques Brel trotte dans la tête..."
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SALY, C'EST "LA CHANSON DES VIEUX AMANTS"
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