VIOL A DAKAR :
Démographie, promiscuité et permissivité
Une ville comme Dakar, qui grandit vers ses extensions et dont le cœur lui-même ressent le poids de la concentration humaine, renferme des candidat(e)s vulnérables et des violeurs. De ce fait, l’une des causes majeures du viol est à chercher dans sa démographie et son versant problématique, la promiscuité. La ville est victime de l’éclat qu’elle reflète dans l’imaginaire de ceux qui répondent aux sirènes de l’exode rural. Considérée comme un eldorado, Dakar est de loin la région la plus peuplée avec 3.137.196 habitants. Elle est également celle où la densité est la plus accentuée avec 5.735 habitants au kilomètre carré (Source : Agence nationale de la Démographie et de la Statistique - Ands). De plus en plus, les gens désertent les campagnes pour peupler la capitale, espérant s’accomplir dans le secteur informel comme dans les circuits formels. L’aménagement du territoire y est également pour quelque chose. Les services essentiels du privé et de l’administration sont implantés à Dakar.
Pour cette population citadine jeune et inoccupée (47,3%), certains recourent au sexe de gré ou de force car il devient, pour eux, un instrument de divertissement. Loin du regard des parents et de la censure communautaire, ils prennent des libertés. En effet, 3600 cas de viol ont été enregistrés pour l’année 2015 (source le ministre de la justice lors des plénières). D’où les nombreux cas de grossesses non désirées qui sont interrompues en douce. La grossesse contractée devient de plus en plus prégnante. La honte suscitée par l’enfant à naître prend de plus en plus de la place dans le cœur des filles ou dames. Quand celui-ci n’y est plus, l’âme n’organise plus la résistance. Elles franchissent le pas. Les fœtus jetés dans les décharges publiques et fosses septiques sont devenus nombreux. Au Bureau de l’enrôlement du tribunal de Dakar, la plupart des filles emprisonnées pour le délit d’avortement, habitent les quartiers populaires.
Le phénomène a des origines sociologiques. En milieu rural, la famille est le lieu de l’activité de bien de production. Les enfants sont considérés comme des biens de production, ce qui incite à une fécondité élevée. Par contre, dans une ville moderne comme Dakar, la famille est le lieu de consommation. Les enfants ont un rôle de bien de consommation. En effet, face à la désillusion née de cette méprise qui leur a fait prendre Dakar comme un eldorado, ces familles issues de l’exode rural, en plus de s’enliser, essayeront de s’adapter aux réalités de la ville qui a ses tentations. Leurs enfants ne sont pas scolarisés ou leur maintien à l’école pose un énorme problème du fait de la pauvreté. Ces familles, de leurs propres illusions, se réfugient dans des quartiers populaires où le loyer est moins cher ou dans des cités dortoirs. Ils y retrouvent des marginaux qui ont leurs racines dans les quartiers mal famés de la même manière que les bons vivants des quartiers chics se livrent à ces abus. La promiscuité dans la banlieue, ajoutée à la précarité, favorise le développement du banditisme. La plupart des jeunes usent de la drogue pour dissimuler leur mal existentiel. Dans une inconscience totale, ils sont susceptibles d’y aller de leurs dérapages et, par conséquent, d’abuser sexuellement de la première fille qui se trouve sur leur chemin. Au Tribunal régional de Dakar, en quatre mois, 42 personnes ont comparu pour le délit de viol dont une trentaine sur des filles de moins de 13 ans. La situation est pareille à la Boutique de droit de Pikine où soixante cas de viols ont été enregistrés dont vingt suivis de grossesses. L’acte de viol est, pour la plupart, passé sous silence et la grossesse qui en résulte est interrompue en douce car les familles des victimes ne veulent pas garder un souvenir de cet acte qui les place dans un inconfort social.
Le regard de l’autre pousse des femmes à braver les interdits sociaux et juridiques, jetant des êtres en devenir dans les poubelles, comme de vulgaires déchets ménagers. La loi ne doit pas être moins dissuasive que le « qu’en-dira-t-on ? ». Cette législation a la plus grande légitimité d’interdire et de faire observer le respect des interdits. La sanction pénale peut donc empêcher les femmes d’interrompre leur grossesse et d’en assumer les effets sociaux et psychologiques devant la société. L’interdiction a tout de même son revers. Elle peut encore favoriser la clandestinité, notamment les avortements à risque. Il importe également d’agir sur la concentration humaine à Dakar. Dans une ville qui grossit de toutes ses ailes, la promiscuité et le désœuvrement sont des facteurs de dérives. De ce fait, la décongestion de Dakar est une des alternatives permettant d’éviter les viols et les grossesses non désirées qui en découlent. Le facteur économique est également étroitement lié à ce phénomène qui prend des proportions inquiétantes. La préservation des bonnes mœurs passe par le développement de l’agriculture dans les régions. Ayant des activités génératrices de revenus à portée de main (pour ceux qui veulent se réaliser sur le plan social, bien sûr), les jeunes ruraux n’auront plus besoin d’affluer vers la capitale dakaroise. Enfin, un objet de sensibilisation doit détenir les paramètres d’analyse. En conséquence, le maintien des filles à l’école est un moyen de conscientisation. Les jeunes avertis ont les aptitudes intellectuelles et psychologiques pour dénoncer les auteurs.
Une enquête de Marame Coumba Seck/Lesoleilonline
Viol, pédophilie, détournement de mineurs…: déjà 759 personnes en prison en cette année record. Rien qu’entre janvier et mai 2016, 759 incarcérations sont relevées par Dame justice. Malgré les lourdes peines infligées aux prévenus allant jusqu’à 10 ans de prison ferme, le phénomène continue à gagner du terrain.
Le journal l’Observateur dans sa livraison de ce mercredi 18 mai 2016 nous informe que la région de Dakar occupe la première place avec 338 personnes détenues dans ses 8 prisons. Alors qu’au courant de l’année 2015, elle a enregistré 73 prévenus mineurs(69 garçons et 4 filles) ainsi que 51 étrangers dont 01 mineur et 695 hommes et une dame incarcérés dans les prisons sénégalaises pour viol, pédophilie ou détournement de mineur.
Ces chiffres alarmants remettent sur le tapis la problématique des peines à infliger aux prévenus et les mesures préventives à prendre.
Moustapha MBAYE/Senego